Un peu de lecture

J'avais décidé de se distraire un peu cette nuit là, harassé par le travail difficile des derniers jours. J'entrai dans l'imposante pièce à livres du bâtiment. A cette heure-ci, en tout début de soirée, où les élèves de la Day Class partaient et ceux de la Night Class rentraient, il n'y avait personne. Personne, à part Tsuzuki. Je la vit, assise dans un fauteuil en coin, un roman posé sur les jambes. Elle semblait lire en toute quiétude, dans un silence apaisant qui me suggérait de la laisser tranquille et de ne pas la déranger. Mais elle me verrait sans doute tôt ou tard donc... Je m'avança vers elle. Le crépuscule embrasait le sol, filtré par les beaux rideaux oranges des fenêtres. Au dehors, pas un souffle de vent.

"Hey Tsusuki-chan ! Tu vas bien ? Je te salue, mais je ne compte pas t'embêter, hein ! Restes tranquille et bouquines, fais comme si je n'existais pas !"

Dur de dissimuler une aura de sang-pur... Mais bon. Je partit à la recherche de la culture entre les allées de livres, entre ces tonnes de mots, d'histoires d'amours, de contes de fées, de biographies politiques, d'histoires de pays... J'avais environ une heure trente devant moi, je pouvais bien trouver un livre intéressant et le commencer, puis l'emprunter pour le finir dans mon lit... Le bonheur. J'accédai à une partie de la bibliothèque réservée à la Nigth Class, scellée derrière une porte que seules quelques rares personnes pouvaient déverrouiller comme le directeur, Tsuzuki ou moi-même. A l'intérieur : Des ouvrages traitant de vampirisme, écrits pour la plupart par des vampires, certains par des hunters. J'en trouva un de philosophie, traitant des différences entre les différents niveaux de vampires. Je pris cela. Je refermai la porte et, dans la pièce principale, m'assit dans un fauteuil en face de Tsuzuki. Merveilleusement installé, je pus lire sans retenue. Après une demi-heure où j'avais littéralement dévoré mon ouvrage, je remarqua un mouvement en face de moi. La vice présidente avait l'air d'avoir terminé son livre et le refermait. N'y tenant plus, je m'enquis gentiment :

"Alors... De quoi parlait ton livre ?"

Rien n'était meilleur que de s'évader dans les livres. Leur fidélité pure ne trompait jamais, les pages jaunies ne trahissaient pas et offraient du bonheur sans retenue. C'était un des passes-temps de la vampiresse, maintenant et depuis toujours. Aussi loin que remonte ses souvenirs elle avait toujours été entourée de ce genre de sources de savoir. La bibliothèque était une seconde maison, les bouquins une seconde famille. La vaste pièce était aménagée sur deux étages. Le haut, bien entendu réservé à la Night Class, abritait des livres chers, fragiles ou compromettants. Le bas, accessible à
tous, demeurait une bibliothèque normale. Les étagères ouvragée, hautes de plusieurs mètres, étaient faites de bois noir et vernis et, bien qu'anciennes, semblaient plus solides et stables que le bâtiment entier. Elle prit un roman, Les Hauts de Hurlevent, et alla s'installer sur un des fauteuil mit à la disposition des élèves. La pièce était pleine d'un calme plat, pas de Day Class hystériques, une bibliothécaire assez absente pour oublier sa présence et pas de rafales de vent fracassantes. Idéal.

Elle plongea dans ce roman qu'elle avait déjà lu avec délectation. Elle n'entendit pas la lourde porte de bois grincer, ni les bruits de pas résonnant sur le parquer lustré, ni même encore la terrifiante aura vampirique. Cette voix. Soma, comme de juste. Elle répondit à son salut d'un sourire. Le Président lui intima de continuer sa lecture et il ne lui en fallut pas plus pour se replonger dans la délicatesse des caractères noirs. La première rencontre avait été particulière, la seconde se déroulait, elle, beaucoup plus simplement. Après réflexion, avoir agi comme elle l'avait fait était stupide car, au final, Sang-Pur ou pas, ce n'était qu'un vampire. Elle vit qu'il prenait place juste en face d'elle et commença sa lecture. Les temps s'écoula rapidement, et déjà la jeune femme attaquait la lecture de la dernière page. Dans un soupir inaudible, elle referma les pages avec délicatesse.

"Alors... De quoi parlait ton livre ?"

Elle sursauta, l'ayant complètement oublié.

« Ah euh … He bien … Tu dois le connaître je pense. Les Hauts de Hurlevent, une histoire d'amour un peu tortueuse … Pile comme je les aime. »

Elle éclata d'un rire léger.

« Alors, que racontes-tu depuis la dernière fois ? Pas trop diff, elle le fixa de ses yeux verts, sourcils froncés, … T'as changé quelque chose ? Tu sembles … moins hystérique peut-être … ? Oui, on dirait bien. A moins que tu sois juste moins paumé. »

Elle s'étonna elle même de parler avec tant de facilité au tant redouté Hayato. Se déridant, elle lui sourit avant d'aller reposer son livre.

La facilité avec laquelle Tsuzuki m'adressa la parole me surpris. Carrément différente de la dernière fois. Elle avait l'air de ne pas se soucier de mon sang. J'étais heureux, vraiment. J'en ris pendant quelques instants après ma dernière phrase, elle dut comprendre pourquoi... Et je parlai :

"Oui... Oui moins paumé c'est vrai. Je commence enfin à connaître ces couloirs labyrinthiques et les salles principales... Encore heureux ! Et puis, il y a tellement de gens incroyables ici, on ne s'ennuie jamais !"

J'eus un grand sourire, puis mon regard se posa sur le livre, Les Hauts de Hurlevent... Je l'avais déjà lu, il n'y avait guère longtemps. Un mois, tout au plus. Coïncidence ?

"Oui... Les histoires d'amours de ce genre me plaisent aussi ! C'est à dévorer avec passion ! L'amour est un sentiment complexe... J'ai plaisir à le ressentir, à... l'étudier."

Le crépuscule s'en allait du sol, pour être doucement remplacé par une obscurité apaisante. D'ici à une heure, il faudrait que j'aille travailler. Je discutai longtemps avec la demoiselle. Nous parlions de tout et de rien, de vampires et d'humains, de choses plaisantes ou moins. J'aimais la facilité avec laquelle se développait notre conversation. La fluidité des transitions était parfaites, il n'y avait jamais de blancs. Peu à peu, j'appris à la connaître un peu mieux, son aspect chaleureux me plaisait beaucoup. Nous étions deux êtres, sans distinction de rang, de sang, de quoique ce soit, à bavarder dans une bibliothèque agréable, avec passion et amitié. Je n'avais pas été aussi content de discuter depuis bien longtemps. J'avais de la chance d'avoir cette demoiselle à la vice-présidence. Étonnant cependant de se retrouver en ce lieu au même moment. Le destin ? Coïncidence ? Encore ? Cette nuit réservait de belles surprises décidément.

"Tsuzuki, qu'est ce qu'une jeune et ravissante jeune femme comme toi fait-elle ici ? Parles moi un peu de toi ! Les dossiers ne suffisent pas ! Si tu te sens, bien sûr."

Mes yeux étaient avides de curiosité. Je voulais la connaître mieux !

L'obscure lumière de la nuit avait commencé à s'étendre sur les allées silencieuses de la grande bibliothèque chassant devant elle les derniers et incandescents rayons du soleil déclinant. De doux éclairage avaient été allumés, donnant une impression chaleureuse et confinée à pièce pourtant vaste. Il n'y avais toujours personne d'autre que les deux vampires. La vampiresse se sentait bien, c'était la première fois depuis longtemps qu'elle avait pu parler aussi librement avec quelqu'un, elle était littéralement absorbée par la discussion. Le Président, un homme très cultivé, semblait s'être intéressé à des domaines aussi variés que captivant.

Mais la conversation prit une tournure à laquelle la jeune femme s'attendait peu.

"Tsuzuki, qu'est ce qu'une jeune et ravissante jeune femme comme toi fait-elle ici ? Parles moi un peu de toi ! Les dossiers ne suffisent pas ! Si tu te sens, bien sûr."

Elle baissa les yeux, pensive. Tsuzuki pensait pouvoir lui faire confiance et depuis le temps, même les souvenirs les plus douloureux s'étaient atténués. Elle hésita un instant avant de commencer son récit, essayant de le faire le plus bref possible.

« He bien .. Mmh … Je suis née au sein d'une très grande et réputée famille de vampires. Les Akito sont réputés pour avoir la plus grande partie du marché de l'aluminium [Pourquoi ? J'en sais rien U_u], en plus d'une richesse familiale colossale. Pour des raisons personnelles aussi stupides qu'écœurantes j'ai du partir de chez moi, me retrouvant alors sans toit, sans argent et assoiffée. Les années les plus dures de ma vie je pense. J'ai du me nourrir de petits animaux, ayant assez conscience pour ne pas m'attaquer aux humains. »

Elle marqua une pause, et un faible sourire fendit son visage d'ange. Ses yeux, quant à eux, était remplis d'une tristesse poignante.

« J'ai été recueilli par un vieux couple d'humains, humains que je détestais alors. Ils n'ont jamais su qui j'étais, ce que j'étais et d'où je venais mais il m'avait adoptée comme leur enfant. Mon bonheur dut être de courte durée, mes parents adoptifs furent mutilés et tués par un Lvl E et c'est dépressive et presque suicidaire que le directeur Cross m'a trouvé et m'a appris l'existence de cette Académie que j'ai rejoint immédiatement en tant que Vice-Présidente. »

Ses yeux se perdirent dans le vague.

« Je désire plus que tout que les vampires reconnaissent les humains pour ce qu'ils sont, elle le fixa et lui sourit, Désolée. Je crois que j'ai vraiment plombé l'ambiance cette fois … Pourquoi le grand Sang-Pur que tu es a rejoint l'Académie Cross ? »

-Pourquoi le grand Sang-Pur que tu es a rejoint l'Académie Cross ?

Malgré l'air que j'avais abordé jusque là, plutôt sérieux et attristé face au récit de la jeune fille, je ne pus retenir un petit rire.

-Grand ? Mon histoire est assez similaire à la tienne, en fait. Je vivais avec mes parents, vampires formidables, qui prônait l'égalité humain/êtres de la nuits. Nous vivions à l'écart de la civilisation, dans une petite montagne. Un jour funeste, des hunters nous ont attaqué, pour une raison que j'ignore encore. Ils ont tué mes parents, j'ai pu m'enfuir et errer, tout comme toi, en miséreux dans les ruelles. Un jour, j'ai rencontré un vampire qui m'a élevé comme son propre fils, poursuivant l'éducation qu'avaient commencé mes défunts parents. Cet homme m'a recommandé à l'académie Cross... Et me voilà !

La tristesse alourdissait mon visage durant ces quelques instants. M'en étant aperçu, je repris un air sérieux et poursuivit :

-Cependant... Je nourris une énorme rancœur envers ces hunters, et je ne reposerai pas en paix avant d'avoir découvert la vérité et... De m'être vengé. Voilà. C'est mon histoire.

Je la regarda, à nouveau avec un grand sourire, qui masquait alors les traits douloureux, empruntes du souvenir, qui m'avait marqué juste avant.

Elle qui avait cru que les vampires de sang-pur vivaient dans le bonheur et l'opulence la plus complète était retournée, et assez mal à l'aise, de connaître l'histoire de Président. Elle était trop similaire à la sienne. Elle n'avait jamais entendu parler de cette histoire et ça remettait sérieusement en question le mode de fonctionnement des hunters. Tuer des Sangs-Pur était le crime le plus férocement punie du monde de la nuit. Malgré ça, Tsuzuki ne pouvait s'empêcher d'être contente. La relation de confiance qui s'installait entre elle et Soma était particulièrement agréable; et de surcroît, utile à leur fonction. Quelque chose la titillait cependant ...

« La vengeance hein ? … Je comprends et connaît ce sentiment. J'aurais moi aussi aimé déchiqueter de mes propres mains le corps de ce vampire. Mais les hunters s'en sont chargés pour moi. »

Elle marqua une pause, jetant un coup d'œil à l'horloge et reprit. La vampiresse allait dire quelque chose de très osé pour sa condition, et allait sans doute s'attirer les foudres de son ami. Mais peu importait, elle dirait ce qu'elle pensait.

« Dis moi Soma … Les hunters sont soumis à un règlement très strict concernant les exécutions, en particulier celles des vampires de sang-pur, tu ne trouves pas ça étrange toi ? Qu'on ait supprimé ta famille entière pour une raison que tu ignores ? »

Elle avait volontairement appuyé sur les derniers mots. Le sous-entendu lui aurait valu un aller simple pour le conseil des vampires mais elle attendit ce qui, pour elle, était sans doute bien pire.

"Bien sûr. Mais cette affaire devait apparemment rester "secrète", puisqu'ils devaient me tuer aussi. C'est très étrange, mais je ne peux pas risquer de me plaindre aux hunters, peut-être... "Finiraient-ils" le boulot. Je dois mener cette enquête... Dans l'ombre."

Je soupirai et regardai mon interlocutrice. Ce lien qui se développait entre nous, de l'amitié, m'aillait droit au cœur à mon plus grand plaisir. C'était ma première amie à l'académie Cross.

"Pour le moment, je vais me contenter de veille à faire tout ce que je dois pour la Night Class. Je verrai ça plus tard."

Je me leva pour reposer mon livre. Je revins à Tsuzuki et m'assit à nouveau. Mine de rien, le temps passait vite et il ne nous restait plus qu'une dizaine de minutes. Je changeais donc le sujet de conversation.

"Et bien... Bientôt l'heure de bosser... Au moins ces mots m'auront permit un peu d'évacuer ce stress qui alourdit ma pauvre cervelle."

Je ferma les yeux un moment, conscient du regard de la jeune fille posé sur mon visage. Je les ouvrit tout à coup.

"Urf... J'ai faim..."

Je me dépêcha de sortir une blood tablet et de l'avaler d'un coup. Je me sentis mieux, et me releva.

"Bon et bien... J'imagine que nous allons nous quitter là ?"

La vampiresse était un peu étonnée au fond car, quoique soulagée, elle ne s'attendait pas à ce que Soma réagisse avec autant de calme. La Guilde des Hunters était une institution aux dogmes particulièrement difficiles à cerner, leur histoire, d'apparence limpide était en réalité troublée par de nombreux accrochages et bavures louches et ce depuis toujours. Comme pour Fleur de Lotus, comme pour Soma. Lequel, en enquêtant sur une histoire classée top secrète et vampire de sang-pur ou non, se trouvait être sur un terrain glissant. Très glissant. Tsuzuki, songeuse, se demandait ce qui avait bien pu se passer quand le Président se leva, contraint de partir à cause du travail harassant qu'il semblait ne pas avoir envie de lui laisser. Elle fronça les sourcils, ce qui lui donnait un air faussement boudeur, histoire d'alléger un peu l'ambiance plombée. Tout ce qu'elle ne voulait pas c'était partir sur cette note passablement déprimante dont il ne résulterait rien d'autre au final qu'une gêne absolument stupide.

« Oui, c'est ici que nos chemins de séparent. Je m'en vais rejoindre les superbes salles de classe qui nous sont réservées, à contre-cœur je dois dire, car c'est une belle nuit, claire qui, soit dit en passant, ne me donne qu'une envie : Sécher ! Passe une bonne nuit, et bon travail ! »

Elle lui sourit, se leva tout en réajustant son uniforme et se dirigea, livres en main, vers la sortie.